Bilan RH 2025 : Avantages sociaux, engagement des salariés et RSE

L'année 2025 marque un tournant majeur dans la gestion des ressources humaines en France. Entre pressions économiques persistantes, transformations technologiques accélérées et évolution profonde des attentes sociétales, les directions RH ont dû repenser leurs stratégies de fond en comble. Ce bilan complet fait le point sur trois dimensions essentielles : les avantages sociaux dans un contexte d'inflation, l'engagement des salariés en chute libre, et la RSE devenue impératif stratégique incontournable.

Le contexte RH 2025 : cinq mutations structurelles

L'année qui s'achève a été marquée par cinq transformations majeures du monde du travail. Premièrement, une crise de l'engagement sans précédent touche les entreprises françaises, avec un taux record de désengagement post-Covid. Deuxièmement, l'inflation persistante maintient une pression intense sur le pouvoir d'achat, obligeant les entreprises à repenser leur politique de rémunération globale. Troisièmement, la RSE est passée du statut de communication à celui d'exigence opérationnelle concrète, sous la pression réglementaire et sociétale. Quatrièmement, la digitalisation RH s'est accélérée de manière forcée, devenant la norme plutôt que l'exception. Enfin, la guerre des talents s'est intensifiée, avec une pénurie critique dans de nombreux métiers clés.

Avantages sociaux : entre optimisation et pouvoir d'achat

Les classiques qui résistent

Le titre-restaurant reste l'avantage social préféré des Français avec un taux d'adhésion de 96%, selon une enquête gouvernementale citée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026. Avec 5,4 millions de bénéficiaires, ce dispositif génère plusieurs milliards d'euros de retombées économiques annuelles et constitue un levier direct de pouvoir d'achat quotidien. L'usage élargi aux produits alimentaires, maintenu durant toute l'année 2025, a renforcé son attractivité dans un contexte inflationniste.

La mutuelle d'entreprise, obligatoire depuis 2016, couvre désormais 100% des salariés. L'Observatoire de la protection sociale complémentaire de France Assureurs (mars 2025) révèle que 73% des entreprises ont amélioré leur contrat en 2024-2025, avec un reste à charge moyen passé de 12% en 2020 à 8,5% aujourd'hui. Cette évolution traduit la volonté des employeurs de répondre aux préoccupations croissantes concernant la santé.

Le télétravail s'est définitivement installé dans le paysage français. Selon le baromètre annuel du télétravail de Malakoff Humanis (septembre 2025), 38% des salariés français pratiquent le télétravail au moins occasionnellement, avec une moyenne de 2,3 jours par semaine pour les télétravailleurs réguliers. Plus révélateur encore, 89% des télétravailleurs refuseraient désormais un poste sans cette possibilité, confirmant que la flexibilité est devenue un critère de choix d'employeur majeur.

L'épargne salariale connaît également une croissance significative. La Direction générale du Trésor, dans son rapport annuel 2025 sur l'épargne salariale, recense 8,9 millions de salariés bénéficiaires en 2024, avec un montant moyen de participation de 1 847 euros et d'intéressement de 1 654 euros, soit une croissance de 12% en un an. Ces dispositifs participent activement à la redistribution de la valeur créée.

Enfin, les chèques vacances concernent 4,8 millions de bénéficiaires selon le rapport d'activité 2024 de l'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances. Le taux d'utilisation a progressé de 18% dans la période post-Covid, témoignant d'un besoin accru de déconnexion et de loisirs.

L'explosion préoccupante des compléments de rémunération

Un phénomène majeur a été identifié par la Cour des comptes dans son rapport de février 2024 sur les niches sociales et fiscales : entre 2018 et 2023, les compléments de salaire ont augmenté de 7,8% par an en moyenne, contre seulement 4,1% pour les rémunérations de base. Cette différence notable s'explique par la volonté d'optimiser la masse salariale grâce aux exonérations sociales et fiscales, et par l'attractivité réelle de ces dispositifs auprès des salariés.

L'impact budgétaire est considérable : 18 milliards d'euros de pertes de recettes pour la Sécurité sociale en 2022, dont 1,9 milliard pour les seuls titres restaurant, soit une hausse de 45% par rapport à 2019. Cette situation a conduit le gouvernement à proposer, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026, une contribution patronale de 8% sur les titres restaurant, chèques vacances et avantages CSE, dans l'objectif de rapporter un milliard d'euros aux caisses sociales. Cette mesure, qualifiant ces avantages de "niches excessivement favorables aux entreprises", a finalement été rejetée par les députés en octobre 2025, face aux inquiétudes sur le maintien de ces dispositifs par les employeurs et l'impact sur le pouvoir d'achat des salariés.

Les nouveaux avantages émergents

Au-delà des dispositifs traditionnels, 2025 a vu l'émergence d'avantages dits "responsables", en phase avec les préoccupations environnementales et sociétales croissantes. Le forfait mobilités durables, qui peut atteindre 700 euros par an en exonération, a été déployé par 23% des entreprises en 2025 contre seulement 12% en 2023, selon l'Observatoire des mobilités de l'ADEME (juin 2025). Vélo de fonction, abonnements transports en commun et dispositifs de covoiturage constituent les principales applications de ce forfait.

La santé mentale est devenue un sujet central. Le baromètre santé au travail de Malakoff Humanis (avril 2025) révèle que 67% des grandes entreprises proposent désormais un dispositif d'accompagnement psychologique, avec des budgets moyens en hausse de 34%. L'utilisation des plateformes de téléconsultation psychologique a bondi de 156%, témoignant d'un besoin réel et d'une acceptation croissante de ces dispositifs.

Enfin, les congés supplémentaires se diversifient. Une étude RH d'ADP France (janvier 2025) montre que 8% des entreprises proposent désormais un congé menstruel (contre 2% en 2023), 31% ont élargi le congé "enfant malade", et 19% offrent des congés solidaires ou de bénévolat. Ces nouvelles formes de temps libre traduisent une évolution vers une prise en compte plus holistique du bien-être salarié.

L'engagement des salariés : une crise profonde

Des chiffres alarmants

L'engagement des salariés français connaît une dégradation spectaculaire. Le rapport "State of the Global Workplace 2025" de Gallup (février 2025) positionne la France comme la lanterne rouge européenne : seulement 7% des salariés français se déclarent "engagés" au travail. Plus préoccupant encore, 59% pratiquent le "quiet quitting", ce désengagement silencieux où le salarié effectue le strict minimum sans implication réelle. Gallup estime le coût de cette désaffection à 14 900 euros par salarié et par an, un chiffre qui doit alerter toutes les directions générales.

Le baromètre Qualtrics France sur l'expérience employé (mars 2025) confirme cette tendance avec un taux d'engagement moyen de 54 sur 100, contre 62 sur 100 en 2019. La situation s'aggrave : 44% des salariés envisagent de changer d'employeur dans les douze mois, et 31% se disent "activement désengagés", c'est-à-dire en opposition ouverte avec leur entreprise.

Les cinq leviers de l'engagement

Malgré ce tableau sombre, le baromètre de Great Place to Work (mai 2025) identifie clairement les facteurs qui peuvent inverser la tendance. Le sens au travail arrive en tête, cité par 76% des répondants : les salariés ont besoin de comprendre l'utilité de leur mission, de travailler en alignement avec leurs valeurs personnelles, et de voir l'impact concret de leurs efforts.

La reconnaissance, citée par 71%, ne se limite plus à la dimension financière. Le feedback régulier et constructif, ainsi que la valorisation des contributions individuelles, sont devenus essentiels. L'équilibre vie professionnelle-vie personnelle (68%) se traduit par des attentes concrètes : flexibilité des horaires, respect effectif du droit à la déconnexion, et charge de travail raisonnable.

Les perspectives d'évolution (63%) restent un moteur traditionnel mais toujours puissant de l'engagement : formation continue, mobilité interne et plan de carrière clair sont attendus par les collaborateurs. Enfin, la qualité du management (59%) repose sur trois piliers : l'écoute et l'empathie, l'autonomie accordée, et un management de proximité réellement présent.

La RSE, nouveau vecteur d'engagement

Un lien puissant s'est établi entre engagement RSE de l'entreprise et engagement des salariés. Selon le baromètre Cone Communications et Porter Novelli (avril 2025), 87% des salariés considèrent l'engagement RSE de leur entreprise comme un critère important de leur satisfaction au travail. Les attentes sont concrètes : 73% veulent que leur entreprise agisse pour le climat, 68% attendent des actions sociales tangibles, et 61% souhaitent pouvoir contribuer personnellement à des projets RSE.

Mais attention au "RSE washing" : 54% des salariés estiment que leur entreprise communique plus qu'elle n'agit réellement, et 39% jugent les actions RSE "insuffisantes". Cette lucidité croissante oblige les entreprises à passer de la communication à l'action vérifiable et mesurable.

Les générations face à l'engagement

L'enquête annuelle de Deloitte Global auprès des Millennials et de la Génération Z (juin 2025) révèle des différences générationnelles marquées. Les baby-boomers privilégient la sécurité de l'emploi et affichent une fidélité élevée avec une durée moyenne de 8,2 ans chez le même employeur. La Génération X recherche avant tout l'équilibre vie professionnelle-vie personnelle, avec une attente RSE importante et une fidélité moyenne de 5,1 ans.

Les Millennials placent le sens et les valeurs en tête de leurs priorités, avec une attente RSE très importante, mais une fidélité faible de 2,8 ans en moyenne. Quant à la Génération Z, elle privilégie le développement personnel, avec une exigence absolue en matière de RSE et une fidélité très faible de seulement 1,9 an.

La Cone Communications Gen Z Purpose Study (février 2025) va plus loin : 49% des membres de la Génération Z refuseraient un poste dans une entreprise sans engagement RSE visible, 67% ont déjà quitté ou envisagent de quitter un employeur pour des raisons éthiques, et 83% veulent que leur travail ait un impact positif sur la société. Pour attirer et retenir ces jeunes talents, l'engagement RSE n'est plus optionnel.

La RSE en 2025 : de l'obligation réglementaire à l'impératif stratégique

Un cadre réglementaire considérablement renforcé

L'année 2025 marque l'entrée en vigueur progressive de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui révolutionne la transparence des entreprises en matière de durabilité. Cette réglementation s'applique d'abord en 2025 aux grandes entreprises cotées de plus de 500 salariés, déjà soumises à la directive NFRD, puis s'étendra en 2026 aux grandes entreprises de plus de 250 salariés, en 2027 aux PME cotées, et en 2028 aux filiales de groupes étrangers.

Les obligations sont substantielles : publication d'un rapport de durabilité détaillé, application du principe de double matérialité qui considère à la fois l'impact de l'entreprise sur l'environnement et l'impact des enjeux ESG sur l'entreprise, certification par un organisme tiers indépendant, et normalisation européenne via les ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Cette directive transforme radicalement la transparence attendue des entreprises.

Parallèlement, le devoir de vigilance s'est étendu. La loi française de 2017, renforcée entre 2023 et 2025, concerne les sociétés de plus de 5000 salariés en France ou plus de 10 000 dans le monde, avec obligation de cartographier les risques ESG sur toute la chaîne de valeur et de mettre en place des mesures préventives. La nouveauté 2025 réside dans l'adoption de la directive européenne CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) en février 2024, qui harmonise ces exigences au niveau de l'Union européenne, étend le périmètre d'application et engage la responsabilité civile des entreprises en cas de manquement.

L'état de la maturité RSE des entreprises françaises

L'étude de Bpifrance Le Lab "RSE : transformation ou cosmétique ?" (mars 2025) dresse un panorama contrasté. Si 91% des grandes entreprises disposent désormais d'une stratégie RSE formalisée (contre 67% en 2020), cette proportion tombe à 58% pour les ETI, 23% pour les PME de 50 à 249 salariés, et seulement 7% pour les TPE et PME de moins de 50 salariés. Le fossé entre grandes entreprises et petites structures reste considérable.

Les budgets RSE moyens progressent : 2,8% du chiffre d'affaires pour les grandes entreprises (contre 1,9% en 2022), 1,2% pour les ETI, et 0,4% pour les PME. La fonction RSE se professionnalise également : 78% des entreprises de plus de 1000 salariés disposent d'un directeur RSE ou développement durable, contre 34% des entreprises de 250 à 1000 salariés, et seulement 8% des entreprises de 50 à 250 salariés.

Le pilier environnemental : décarbonation et transition écologique

La décarbonation constitue l'urgence absolue, avec des objectifs nationaux ambitieux : réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990, et neutralité carbone en 2050. Le baromètre de l'ADEME sur la transition écologique des entreprises (avril 2025) révèle que 67% des grandes entreprises ont réalisé un bilan carbone complet incluant les scopes 1, 2 et 3, 45% ont défini une trajectoire Net Zero, mais seulement 23% ont fait valider leurs objectifs par la Science Based Targets initiative.

Les actions prioritaires se concentrent sur quatre domaines. La mobilité d'abord, avec des plans de mobilité, l'électrification des flottes et le déploiement du forfait mobilités durables. L'Observatoire des flottes d'Arval (juin 2025) indique que 34% des entreprises ont électrifié au moins 20% de leur flotte, avec un budget moyen "mobilité durable" de 450 euros par salarié et par an dans les grandes entreprises. L'énergie ensuite, via l'amélioration de l'efficacité énergétique, le recours aux énergies renouvelables et le développement de l'auto-consommation. Les achats responsables représentent le troisième levier, avec l'intégration de critères ESG dans les appels d'offres. Enfin, l'économie circulaire se développe autour de la réduction des déchets, du recyclage et du réemploi.

Le pilier social : égalité, diversité et santé mentale

L'égalité professionnelle progresse lentement. Le bilan 2025 de l'Index de l'égalité professionnelle du ministère du Travail (mars 2025) affiche un score moyen de 86 sur 100, avec 78% des entreprises atteignant le seuil de 75 sur 100. Cependant, l'écart salarial femmes-hommes reste à 15,5% en moyenne, démontrant que le chemin reste long.

La diversité et l'inclusion connaissent des avancées contrastées. L'Observatoire de la diversité Mozaïk RH (janvier 2025) note que 89% des entreprises du CAC 40 disposent d'une politique diversité formalisée, mais seulement 3% de dirigeants sont issus de quartiers prioritaires, et le taux d'emploi de personnes en situation de handicap reste à 3,5%, bien en deçà de l'obligation légale de 6%.

La santé mentale s'impose comme sujet prioritaire. Le baromètre santé au travail de Malakoff Humanis (avril 2025) révèle qu'un salarié sur deux a connu une détresse psychologique en 2024-2025, que 67% des grandes entreprises ont déployé un dispositif d'écoute psychologique, et que l'absentéisme lié à la santé mentale a progressé de 28% en cinq ans. Cette prise de conscience tardive mais réelle commence à se traduire en actions concrètes.

Le pilier gouvernance : transparence et dialogue

La gouvernance s'améliore progressivement. Le baromètre Ethics & Boards (février 2025) observe une parité de 45% de femmes dans les conseils d'administration du SBF 120, une surveillance accrue du ratio de rémunération entre PDG et salarié médian (moyenne de 1 pour 74 dans le CAC 40), et un renforcement des politiques anticorruption dans le cadre de la loi Sapin II.

Le dialogue avec les parties prenantes se structure : 56% des grandes entreprises ont créé un comité parties prenantes, et selon l'Observatoire de la raison d'être du ministère de l'Économie (mai 2025), 67% des entreprises du CAC 40 ont formalisé leur raison d'être depuis la loi PACTE de 2019.

Le pilier économique : finance durable et achats responsables

L'intégration des critères ESG dans les décisions économiques s'accélère. Le rapport de l'Autorité des Marchés Financiers sur la finance durable (mars 2025) indique que 43% des entreprises intègrent des critères ESG dans leurs décisions d'investissement, et que la finance verte représente désormais 380 milliards d'euros d'encours en France, soit une hausse de 65% par rapport à 2023.

Les achats responsables se généralisent dans les grandes structures. Le baromètre 2025 de l'Observatoire des Achats Responsables (janvier 2025) révèle que 71% des grandes entreprises disposent d'une politique achats responsables, que des critères ESG figurent dans 45% des appels d'offres, et que 450 entreprises ont obtenu le label "Relations Fournisseurs et Achats Responsables".

Maturité RSE par secteur

Les secteurs affichent des niveaux de maturité très variables. Le rapport EcoVadis sur la performance RSE par secteur (avril 2025) identifie les secteurs leaders : banque et assurance, sous contraintes réglementaires fortes avec une maturité ESG élevée ; énergie et utilities, avec la transition énergétique au cœur du modèle d'affaires ; et le luxe, où l'image de marque et les attentes des consommateurs poussent à l'excellence.

À l'inverse, trois secteurs accusent un retard significatif : le BTP et la construction, pénalisés par une empreinte carbone élevée et une transformation lente ; le transport et la logistique, confrontés aux difficultés de décarbonation ; et l'hôtellerie-restauration, où la prédominance de petites structures et les moyens limités freinent les investissements RSE.

Ce qui attend les RH en 2026

L'année 2025 a posé les bases de transformations profondes qui s'amplifieront en 2026. La dématérialisation des titres restaurant deviendra obligatoire dès le 1er janvier 2027, imposant une transition rapide pour les entreprises encore équipées en format papier. L'extension progressive de la directive CSRD concernera en 2026 les grandes entreprises de plus de 250 salariés, multipliant les obligations de transparence.

La bataille pour l'engagement se durcira, avec une nécessité absolue de passer de la communication aux actes concrets en matière de RSE, faute de quoi les entreprises continueront à perdre leurs talents, particulièrement les plus jeunes. La santé mentale deviendra un enjeu RH majeur, nécessitant des investissements significatifs et une transformation culturelle profonde du rapport au travail.

Enfin, l'intelligence artificielle s'imposera progressivement dans les processus RH, du recrutement à la gestion des carrières, posant de nouvelles questions éthiques et juridiques que les DRH devront anticiper.

L'année 2025 aura été celle de la prise de conscience. 2026 devra être celle de l'action et de la transformation effective.