Alimentation et RSE : du plaisir de manger à la responsabilité d’agir

Ahhh manger... La culture française ne pourrait pas se passer des arts de la table.

Les touristes du monde entier nous envient nos baguettes tradition, nos innombrables fromages, notre vin, et ces centaines d’autres produits de nos terroirs, qui font de manger un plaisir.

Et nous sommes tous concernés par l’alimentation. Après tout, la plupart d’entre nous mangeons trois fois par jour, et toute l’année (mis à part les pratiquants de jeûnes bien sûr !).

Malgré une baisse continue du nombre de Français qui travaillent la terre, l’agriculture, cela reste le 2ème secteur d’activité en France en matière de gaz à effet de serre (19%), juste après les transports (30%).

L’enjeu en termes de durabilité est donc significatif. Et l’agriculture n’est qu’un des maillons d’une chaîne de valeur très développée : intrants, matériels agricoles, transformation alimentaire, restauration collective et commerciale, distribution, etc.

L’alimentation est partout. Et donc, elle peut trouver toute sa place dans une démarche RSE !

C’est l’objet de cet article : vous aider à intégrer l’alimentation dans votre stratégie de durabilité, que ce soit dans votre entreprise, collectivité locale, association ou autre.

Les impacts de l’agriculture-alimentation

Dans cette courte première partie, nous compléterons la donnée fournie en introduction sur les émissions de GES de l’agriculture en rappelant les impacts de l’agriculture et du secteur alimentaire en France.

Attention, notre biais est de plutôt vous parler des impacts négatifs. Mais bien évidemment, les impacts positifs sont nombreux et valorisent fortement notre image internationale, notre plaisir au quotidien, et font partie intégrante de notre culture.

L’agriculture, en amont

Alors, au-delà de l’impact sur le dérèglement climatique, rappelons que l’agriculture peut se pratiquer de plusieurs manières. Et dans l’agriculture dite conventionnelle, il est fait usage de centaines de composés chimiques différents, communément regroupés sous l’appellation de produits phytosanitaires.

Leur effet sur la santé des écosystèmes (et la santé des humains) va de faible à forte, en passant par « on en sait rien, car aucune étude n’a été réalisée ».

L’épisode, historique, du vote de la loi Duplomb à l’Assemblée Nationale, suivie par une grande mobilisation incluant une pétition souhaitant sa révision (plus de 2,1 millions de signatures), rappelle qu’une partie significative de nos concitoyens se sentent concernés par le sujet.

Et malgré des lois successives pour tenter de baisser l’utilisation de ces produits, force est de constater qu’elle augmente. À titre d’exemple, les agriculteurs français ont consommé 65.000 tonnes de pesticides en 2023 (soit 6 % de plus qu’en 2010).

On constate bien une augmentation de la consommation si l’on considère les volumes globaux. Mais il me semble important de souligner aussi une évolution positive : la progression régulière des produits de biocontrôle. Ceux-ci représentent désormais une part significative du marché et montrent que les pratiques agricoles commencent à évoluer dans le bon sens.

Comme le souligne Julien Derville, Directeur Général d’Ekip :

« C’est une bonne nouvelle de voir les biocontrôles gagner du terrain. Cela prouve que la demande sociale et la réglementation peuvent réellement tirer les pratiques agricoles vers plus de durabilité. Mais il ne faut pas se tromper de lecture : les volumes de produits de synthèse restent trop élevés, et nous sommes encore loin de la transition agricole nécessaire. »

Le message à retenir est donc double : oui, ça s’améliore – mais non, ce n’est pas suffisant. Les produits CMR2 se stabilisent après une baisse, le glyphosate pourrait repartir à la hausse avec les annonces récentes, et les phytosanitaires restent un outil standard du modèle. L’analyse officielle confirme que c’est la réglementation, bien plus que la dynamique du marché, qui pousse réellement les pratiques dans la bonne direction.

L’alimentation, en aval

Sortons maintenant de l’agriculture et parlons d’alimentation. De toutes évidences, le côté distribution alimentaire présente des failles importantes.

La concentration capitalistique dans la grande distribution est très élevée. On peut difficilement faire plus oligopolistique : 96% de la valeur (euros) est maîtrisée par une poignée d’acteurs (incluant Leclerc, Carrefour, Intermarché, Groupe U, Auchan, Lidl, Casino, Aldi et Cora-Louis Delhaize). Cela permet à ces acteurs de dicter « leur loi » sur le marché, forçant de nombreux petits producteurs à accepter des conditions... inacceptables, en termes de prix, de conditions de livraison et de délais de production, de rabais, etc.

L’alimentation en France, c’est aussi :

  • Une précarité croissante, avec de plus en plus de personnes qui mangent mal ou insuffisamment
  • Des petits commerces alimentaires de proximité en difficulté, face à une grande distribution toute puissante
  • Des lobbies pro-agriculture industrielle et pro-grande distribution dotés de moyens financiers importants...

Bref, il y a moyen de faire beaucoup plus éthique, durable et équitable !

Comment votre organisation peut-elle agir ?

Voyons maintenant comment votre organisation (entreprise, commune, etc) peut agir, dès maintenant, pour changer les choses.

Sensibiliser et forme, les clés pour motiver à agir

Donnons la parole à Mathieu Maréchal, consultant RSE sein de la société coopérative Fertilidée : « La sensibilisation est absolument fondamentale pour embarquer salariés, clients, fournisseurs et les autres parties prenantes importants dans une démarche de changement vers plus de durabilité. La première brique de l’édifice, qu’il ne faut pas ensuite oublier de continuer à bâtir ».

Si le niveau de maturité sur ces sujets est peu élevé, des ateliers tels que la Fresque Agri’Alim ou la Fresque de l’Alimentation sont d’excellents points de départ.

Des ateliers sur-mesure, sur des thématiques précises ou plus techniques peuvent être imaginés pour des publics plus avancés.

Notons aussi que cette sensibilisation permet à votre organisation de sensibiliser des salariés, qui pourront pour certains adopter de nouveaux comportements alimentaires dans leur vie privée/familiale, le double effet bénéfique !

L’implication territoriale, alimentaire !

Quand on lance une démarche RSE, on se base souvent sur la norme ISO 26000 pour organiser son travail et s’assurer de traiter tous ses impacts.

Dans cette norme, il y a 7 questions centrales, dont une concerne le développement économique local. Grosso modo, l’entreprise est ancrée dans une territoire, elle en dépend pour plein de choses (des salariés qui viennent travailler, en utilisant des routes en bon état, des écoles et services de santé, etc).

Une excellente façon de renforcer l’implication de votre organisation sur votre territoire ? Aider, promouvoir et soutenir financièrement les agriculteurs bio. Il est aussi possible d’organiser des actions de mécénat (immersion de salariés chez les agriculteurs, ou soutien financier à des acteurs locaux et durables).

Dans la RSE, il y a aussi une dimension environnementale et bien entendu, toute action permettant de promouvoir une agriculture / alimentation durables, c'est aussi aller dans le sens de la préservation de l'environnement (avec des impacts majeurs du la biodiversité, la réduction des GES, etc.).

Changer sa politique d’achats alimentaires

Ce n’est pas tout, entreprises et collectivités locales peuvent décider de s'approvisionner auprès d’acteurs alimentaires favorisant l’agriculture biologique, les circuits courts, des produits moins transformés, une meilleure gestion des déchets, etc.

Pour cela, direction les AMAP, fermiers en achat direct, les centrales d’achat et cuisines centrales dotées de véritables stratégies RSE, etc.

Et aussi dans le simple choix d’un restaurant pour emmener manger son équipe à midi : chaque euro fléché vers des établissements engagés permet de faire bouger les lignes, jour après jour, entreprise par entreprise. Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir de l’argent, les acteurs éthiques ont souvent un problème principal : trouver suffisamment de clients pour atteindre ou maintenir leur équilibre financier.

Donnons cette fois-ci la parole à la gérante d’une petite épicerie bio et vrac, située près de Nantes, Anne-Catherine Dufros : « J’ai ouvert mon épicerie bio en 2021 et je n’ai pu commencer à me rémunérer (un peu moins que le SMIC), qu’après 3 ans et demi d’activité. Autant dire que je me considère comme chanceuse, beaucoup de mes consoeurs et confrères n’ont pas eu la possibilité de continuer et ont dû fermer leur magasin. Ce qu’il me manque aujourd’hui pour me payer correctement (je travaille 50h par semaine), c’est environ 15% de clientèle en plus ».

D’ailleurs, les entreprises mettent souvent des moyens à disposition des salariés :

  • restaurants/cantines d'entreprises ou inter-entreprises,
  • tickets restaurant,
  • livraison de paniers légumes, etc.

Vous pouvez donc faire un choix éthique pour tous ces prestataires. Vous avez un rôle clé dans l'accès à une alimentation durable et saine pour vos salariés. Notons que cela rejoint le pilier "Conditions de travail" de la norme ISO 26000, avec la champ d’action du Bien-être au travail plus spécifiquement.